Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La culture par une nulle
13 octobre 2013

Quelle responsabilité incombe aux traités de libre-commerce dans la crise agraire colombienne?

Le quotidien national colombien El Tiempo a ouvert un débat sur la responsabilité des traités de libre-commerce (TLC) sur la crise agraire dans sa rubrique "Opinión". Il donne la parole à six experts et force est de constater que les TLC ne sont pas forcément les premiers coupables mis en avant.

Depuis cet été, le monde agricole colombien est en crise (que j'avais d'ailleurs évoqué dans un billet précédent). Très rapidement, un coupable est mis en avant : les TLC avec les Etats-Unis et l'Europe. Cependant, des voix discordantes se font entendre. Peu des intervenants sur le débat lancé par El Tiempomettent en cause véritablement ou du moins entièrement les TLC, hormis Jorge Robledo.

Pour Jorge Robledo, sénateur, les partisans des TLC ne peuvent pas affirmer qu'il n'y a eu que peu d'importations en Colombie et surtout qu'elles n'ont pas eu d'impacts. Les importations peuvent selon lui couler le prix d'un aliment produit nationalement. S'il évoque le fait que le libre-échange n'a pas commencé en Colombie avec les TLC (il y avait eu ouverture à l'importation par César Gaviria, ce qui aurait causé, pour Robledo, la disparition de plusieurs milliers d'hectares de cultures), ces derniers continuent d'affaiblir la compétitivité du pays et à faire perdre des emplois au niveau national. Si certains secteurs ont survécu jusqu'à maintenant (comme le riz, la viande ou les produits laitiers), c'est grâce à des tarifs de protection qui tendent aujourd'hui à disparaître avec les TLC. Ainsi, pour Jorge Robledo, l'avenir de l'agriculture doit passer par une renégociation des TLC.

Rafael Mejia, le président du SAC, Sociedad de Agricultores de Colombia, admet lui aussi que les TLC aggravent la situation agricole colombienne mais minimise les quantités des importations. Pour lui, les importations régionales ont surtout été mises en place par des accords comme le MERCOSUR. Ce dernier a éliminé les droits de douane dans leur intégralité. De même, il estime que les importations américaines sont plus importantes dans le secteur industriel qu'agricole.

L'argument de la hausse des importations est contesté par plusieurs des experts notamment l'économiste Mauricio Reinaqui fait remarquer que les importations ont plutôt stagné avant le déclenchement de la crise agraire. Entre janvier et juin 2013, elles n'ont pris que +0,1% soit la même hausse qu'en 2012 pour la même période. De plus, il constate que les produits qui ont subi les plus forts taux d'importation, comme la viande ou le poisson, sont justement les secteurs qui n'ont pas été touchés par les grèves. La libéralisation du commerce est d'ailleurs encore minime car certains secteurs bénéficient d'une période de grâce avant une libéralisation complète.

L'argument le plus mis en avant sur le problème agricole colombien par les experts est sa très faible productivité. Luis Guillermo Vélez Álvarez, également économiste, montre que la valeur ajoutée agricole par travailleur a certes augmenté mais qu'elle reste bien faible surtout par rapport à ses voisins latino-américains. Or, cette faible productivité engendre de faibles revenus pour les agriculteurs, notamment pour les petits propriétaires. Pour lui, être productif, c'est être comme au Canada ou aux Etats-Unis, un pays de gros producteurs. Rester une agriculture de petits producteurs, c'est être un pays d'agriculteurs pauvres.

La Colombie doit ainsi moderniser à tout prix son agriculture et elle aurait dû l'être avant la mise en place des TLC. C'est là que vient le second argument sur le problème agricole : le problème politique. Saúl Pineda, le directeur du CEPEC (Centro de Pensamiento en Estrategios Competitivos – Universidad del Rosario) affirme que les gouvernements successifs ont ouvert l'économie au monde entier mais n'ont pas pris les décisions pour aider à l'amélioration de la productivité agricole tout comme celle industrielle. L'ex-ministre de l'agriculture Cecilia Lópezaccuse directement les gouvernements Uribe et Santos d'avoir négocié trop rapidement sans réfléchir aux conséquences. L'"Agenda Interna" lancé en 2006 pour préparer le pays aux TLC a été plus qu'une déception : pas de politique de développement rural, pas de diminution des coûts de production etc.

Ainsi, la crise agricole colombienne est surtout née des propres faiblesses du pays pour ces experts, les TLC n'ayant été finalement que le déclencheurs des problèmes des agriculteurs.

Publicité
Publicité
Commentaires
La culture par une nulle
Publicité
La culture par une nulle
Archives
Publicité