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La culture par une nulle
27 septembre 2014

"Pétronille" d'Amélie Nothomb

 

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L'auteur : J'ai déjà eu l'occasion de faire la biographie d'Amélie ici.

Résumé :

Amélie raconte sa rencontre avec Pétronille Fanto, une étudiante qui devient par la suite sa « convigne », c'est-à-dire sa compagne de beuverie. Après plusieurs cuites de champagne millésimé, Amélie et Pétronille finissent par devenir amies et ce, malgré la différence de caractère et de milieu social. Cette amitié nous emmène à Paris, Londres, Acariaz (Avoriaz?) et le Sahara.

Cependant Pétronille, devenue écrivain, montre progressivement des signes de comportement inquiétants ce qui perturbe Amélie...

Extrait :

« L'ivresse ne s'improvise pas. Elle relève de l'art, qui exige don et souci. Boire au hasard ne mène nulle part.

Si la première cuite est si souvent miraculeuse, c'est uniquement grâce à la fameuse chance du débutant : par définition, elle ne se reproduira pas.

Pendant des années, j'ai bu comme tout le monde, au gré des soirées, des choses plus ou moins fortes, dans l'espoir d'atteindre la griserie qui aurait rendu l'existence acceptable : la gueule de bois a été mon principal résultat. Je n'ai pourtant jamais cessé de soupçonner qu'il y avait un meilleur parti à tirer de cette quête.

Mon tempérament expérimental a pris le dessus. À l'exemple des chamans amazoniens qui s'infligent des diètes cruelles avant de mâchouiller une plante inconnue dans le but d'en découvrir les pouvoirs, j'ai eu recours à la technique d'investigation la plus vieille du monde : j'ai jeûné. L'ascèse est un moyen instinctif de créer en soi le vide indispensable à la découverte scientifique.
Rien ne me désole plus que ces gens qui, au moment de goûter un grand vin, exigent de «manger un truc» : c'est une insulte à la nourriture et plus encore à la boisson. «Sinon, je deviens pompette», bredouillent-ils, aggravant leur cas. J'ai envie de leur suggérer d'éviter de regarder de jolies filles : ils risqueraient d'être charmés.

Boire en voulant éviter l'ivresse est aussi déshonorant que d'écouter de la musique sacrée en se protégeant contre le sentiment du sublime.

Donc, j'ai jeûné. Et j'ai rompu le jeûne avec un veuve-clicquot. L'idée était de commencer par un bon Champagne, la Veuve ne constituait pas un mauvais choix.
Pourquoi du Champagne ? Parce que son ivresse ne ressemble à nulle autre. Chaque alcool possède une force de frappe particulière ; le Champagne est l'un des seuls à ne pas susciter de métaphore grossière. Il élève l'âme vers ce que dut être la condition de gentilhomme à l'époque où ce beau mot avait du sens. Il rend gracieux, à la fois léger et profond, désintéressé, il exalte l'amour et confère de l'élégance à la perte de celui-ci. Pour ces motifs, j'avais pensé qu'on pouvait tirer de cet élixir un parti encore meilleur.

Dès la première gorgée, j'ai su que j'avais raison : jamais le Champagne n'avait été à ce point exquis. Les trente-six heures de jeûne avaient affûté mes papilles gustatives qui décelaient les moindres saveurs de l'alliage et tressaillaient d'une volupté neuve, d'abord virtuose, bientôt brillante, enfin transie.

J'ai continué courageusement à boire et, à mesure que je vidais la bouteille, j'ai senti que l'expérience changeait de nature : ce que j'atteignais méritait moins le nom d'ivresse que ce que l'on appelle, dans la pompe scientifique d'aujourd'hui, un «état augmenté de conscience». Un chaman aurait qualifié cela de transe, un toxicomane aurait parlé de trip. J'ai commencé à avoir des visions. »

Mon avis :

Je n'avais pas lu Amélie depuis Tuer le père. Lectrice attentive et impatiente pendant très longtemps, j'ai commencé à lâcher ses romans à partir d'Antéchrista. Robert des noms propres, avec sa fin bâclée, m'avait déjà mis la puce à l'oreille : Amélie ne se renouvelle plus et semble vouloir terminer ses romans au plus vite, à chaque fois que la page 100 est dépassée.

J'ai donc cessé à ce moment de lire ses crus. Par chance, j'avais tout de même posé les yeux sur Acide Sulfurique qui, malgré les polémiques, m'avait permis de renouer avec l'auteur.

Bref, tout ceci pour dire que j'ai pris mes distances avec l'auteur bien que j'apprécie son humour bizarre.

Cette année, je me suis décidée à la relire. Dès les premières pages, je retrouve l'Amélie que j'aime : elle enchaîne des descriptions cocasses de ses tranches de vie et me fait sourire. Cependant, rapidement, je constate que depuis Robert des noms propres, Amélie n'a pas changé non plus sur ses travers. Ses histoires de beuverie et d'amitié avec la jeune Pétronille Fanto finissent par lasser et on se demande comment, une fois de plus, elle va terminer son roman. La fin, malheureusement, a été une déception, une fois de plus également : on ne sait pas trop ce que devient Pétronille ni ce qu'Amélie tire comme leçon de cette amitié particulière.

Le seul point positif du roman est le questionnement sur le monde des écrivains et de la littérature en général : est-on condamné à ne pouvoir toucher ce milieu si on n'est pas né du bon côté de la barrière sociale ? Il est vrai que quand on regarde un peu le milieu social des écrivains à succès d'aujourd'hui, on doute parfois (souvent?) de la démocratisation de la littérature.

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