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La culture par une nulle
17 juillet 2013

Hausse du recrutement des enseignants...quid de ceux qui quittent le métier?

En 2013, d'après l'Education Nationale, le recrutement des professeurs, premier et second degré confondus, a augmenté de 39% par rapport à 2012. Mais, que cachent ces nouveaux recrutements? Pourquoi ne parle-t-on pas aussi des enseignants qui quittent le métier et qui viennent creuser le déficit en personnel?

17 585 : c'est le nombre de recrutements réalisés avec les concours 2013 de l'enseignement soit une hausse de 39% par rapport à 2012. Ces résultats ont été annoncés solennellement par le ministère de l'Education Nationale mardi sur son site internet. Il s'agit pour le gouvernement, et notamment pour Vincent Peillon, d'une victoire sur la promesse faite, il y a plusieurs mois, de recruter davantage d'enseignants pour pallier un déficit creusé par l'ancienne majorité. Mais, si on y regarde de plus près, le résultat est à nuancer.

Des concours 2013 à deux vitesses.

Tout d'abord, ces 17 585 professeurs ne sont pas tous issus de la même session de concours. L'année 2013 a été marquée par la succession de deux sessions. La première session est la dernière de la formule Chatel. Elle envoie dans les classes en septembre des lauréats non formés et qui ne se verront décharger que 3h par semaine pour faire face à la préparation de leur nouveau métier. Autant dire qu'on envoie au casse-pipe des jeunes non préparés qui vont être noyés dans le travail. On enverrait des vacataires ou contractuels, ce serait presque pareil. La seconde session est particulière car inachevée. En effet, cette session Peillon va envoyer en septembre des...admissibles...c'est-à-dire des profs qui ne le sont pas encore! Ils enseigneront uniquement 6h par semaine et suivront une formation le reste du temps. Ils ne deviendront réellement profs que quand ils passeront (et devront réussir) les oraux en juin 2014. Autant dire que certains vont rester sur le carreau après avoir espérer. Pour résumer, on se retrouve avec une inégalité entre ces nouvelles recrues et des désavantages certains aussi bien pour les uns que pour les autres. Les premiers vont devoir ramer, au risque de se décourager et de mal préparer les élèves. Les seconds ne seront peut-être pas profs après juin 2014.

Autre élément pour nuancer cette hausse de recrutement : le contexte économique. Il est clair qu'en période de crise, les jeunes vont avoir tendance à privilégier des filières et métiers qui garantissent une sécurité d'emploi. Vous couplez ce phénomène avec l'effet d'annonce de la hausse des postes à pourvoir et vous avez toute une brochette d'étudiants qui se présente...même si ce n'est pas la voie qu'ils auraient prise dans une meilleure situation. Or, s'il y a bien un métier qui demande à être choisi c'est bien celui de prof! Même par vocation, le métier tend, au fil des années, à devenir difficile ou lassant pour un paquet de profs, même les plus motivés. Imaginons les dégâts quand cette voie est prise faute de mieux...

Toute cette réflexion nous amène aussi à nous poser une question : pourquoi l'Education Nationale, quelque soit la majorité du gouvernement, communique sur les concours et les postes à pourvoir mais jamais sur ce qui est véritablement le baromètre de la santé du métier d'enseignant : le ressenti des profs, le burn-out et les démissions? Le ministère ne cherche d'ailleurs pas à faire de véritables recherches sur ces domaines alors qu'elles sont essentielles : vous aurez beau recruter beaucoup de profs, si ceux-ci désertent au bout de quelques années, les efforts sont réduits à néant.

Silence radio du ministère sur les départs de profs.

Ces études capitales sont bien souvent réalisées par la MGEN, sécurité sociale et mutuelle des enseignants ou par des observatoires universitaires. Le ministère en a évidemment connaissance (d'ailleurs les rectorats sont parfois sollicités pour faciliter les enquêtes au sein des établissements) mais ne les évoque jamais.

Fin 2011 est rendue publique une enquête menée par Georges Fotinos et José Mario Horenstein intitulée "La qualité de vie au travail dans les lycées et collèges. Le 'burnout' des enseignants."Si les professeurs du secondaire se sentent plutôt reconnus, en sécurité dans leur établissement et estiment que le climat de leur établissement est assez bon en moyenne, plusieurs éléments montrent cependant un malaise : 44% déclarent n'être pas assez formés face aux élèves, 39% estiment n'être pas compétents pour faire face à certains comportements d'élèves, 60% pensent négliger des tâches par manque de temps. Mais, surtout, 28% songent à changer de métier et 17% sont touchés par le burn-out, terme évoquant l'épuisement professionnel.

Le chemin de croix du futur reconverti.

Alors évidemment penser à changer de métier et avoir un burn-out n'entraîne pas forcément à plus ou moins long terme une démission, mais, force est de constater que plusieurs profs passent le cap de la reconversion. Et là, les chiffres manquent cruellement! C'est un véritable défi pour trouver une étude qui annonce le nombre de profs qui quittent le métier aussi bien la première année que les suivantes. Pour prendre la température, on est obligé de surfer longuement sur le net et on y découvre des forums aux noms évocateurs comme "Quitter l'enseignement". On constate que de nombreux profs partent chaque année et ce ne sont pas forcément ceux qui sont le plus en difficulté dans le métier qui franchissent le pas.

Et pourtant, quitter l'enseignement est un véritable chemin de croix. Si on lit attentivement les témoignages des rescapés du navire Education Nationale, on constate que beaucoup se reconvertissent dans d'autres métiers de la Fonction publique. On peut penser que c'est grâce aux passerelles entre administrations mais c'est rarement le cas car l'Education Nationale est l'un des ministères qui aident le moins ses fonctionnaires à évoluer dans une autre fonction publique que la sienne. Toutes les formations professionnelles ne visent qu'à approfondir le métier ou à préparer les concours...de l'agrégation. Les mises à disponibilité sont parfois difficiles à obtenir dans certaines académies et ne parlons pas des congés formation qu'on peut espérer obtenir, si on a énormément de chance, au bout de...dix ans. Il ne reste pas grand chose à faire pour les profs que de repasser des concours ou tenter leur chance dans le privé. Là encore, le privé est parfois difficile à atteindre en raison de la mauvaise image dont jouisse les profs...certains employeurs estiment, bien souvent à tort, qu'un prof n'est pas apte à suivre le rythme de travail. L'image du prof fainéant colle à la peau... Enfin, quelques téméraires essaient de monter leur propre boîte.

Bref, le parcours est semé d'embûches pour les enseignants mais de plus en plus s'y essaient et réussissent...est-ce que les nouveaux profs suffiront à colmater ces départs? Pas sûr...

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